entrées libres. Je refusai continuellement les avances
de l’homme et, peut-être à cause de cela, la femme
devint bientôt mon amie la plus intime. Roudolphine,
c’était son nom, avait environ vingt-sept ans. C’était
une brunette très piquante, très vive, très animée,
très tendre et très femme. Elle n’avait pas d’enfants,
et son mari, dont elle n’ignorait pas les fredaines,
lui était assez indifférent. Ils avaient des relations
respectueuses entre eux et ne se refusaient pas, de
temps à autre, les joies du mariage. Malgré tout,
cette union n’était pas heureuse. Son mari ignorait
sans doute qu’elle était d’un tempérament excessivement
avide, ce qu’elle cachait avec beaucoup d’habileté.
J’eus bientôt la révélation de ses penchants. À
l’approche de la belle saison, Roudolphine alla habiter
sa charmante villa, à Baden. Son mari y venait régulièrement
tous les dimanches et amenait quelques
amis. Elle m’invita à venir y passer l’été, à la fin de
la saison théâtrale. Ce séjour à la campagne devait
me faire du bien. Jusque-là il n’avait été question
que de toilette, de musique et d’art entre nous, et
voici que nos conversations prirent un tout autre
caractère. La cour que son mari me faisait nous en
fournit l’occasion. Je remarquais qu’elle mesurait les
fredaines de son mari d’après les privations qu’il lui
imposait. Ses plaintes étaient si sincères et elle
cachait si peu l’objet de ses regrets que je décidai
immédiatement d’être sa confidente et de jouer le
rôle d’une amie simple et inexpérimentée. J’avais
joué juste et touché son côté faible, ainsi que celui de
Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/129
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS