sans tout risquer au jeu. C’est pourquoi je feignis
d’être indifférente ; je décourageai tous ceux qui
s’approchèrent de moi et j’acquis bientôt le renom
d’une vertu inabordable. Personne ne soupçonnait
qu’après le départ de Franz j’avais de nouveau
recours à mes joies solitaires des dimanches et
aux délices du bain chaud, pimentées de toute espèce
de jouissances. Pourtant, je ne cédais jamais plus
d’une fois par semaine à l’appel de mes sens, qui
exigeaient beaucoup plus, surtout après un rôle et
des applaudissements qui m’avaient excitée. Mille
yeux me surveillaient, aussi étais-je excessivement
prudente dans toutes mes relations ; ma tante devait
m’accompagner partout et personne ne pouvait me
reprocher quelque chose.
Cela dura tout l’hiver. J’avais un engagement fixe et je m’étais installée sans trop de luxe, mais très confortablement. J’étais aussi introduite dans la meilleure société et je me sentais très heureuse. Je ne regrettais que très rarement la perte de Franz, car tout ce que je faisais toute seule ne pouvait pas m’assouvir complètement. Des circonstances heureuses me dédommagèrent l’été suivant. J’avais été introduite dans la maison d’un des plus riches banquiers de Vienne et je reçus de sa femme les témoignages de la plus véritable amitié. Son mari m’avait fait la cour, espérant, avec son immense fortune, conquérir facilement une princesse de théâtre. Après avoir été éconduit comme tous les autres, il m’introduisit dans sa maison en croyant me gagner de cette façon. J’y avais ainsi mes