lui faire. Le petit roquet de ma tante m’avait appris
que si l’on ne peut avoir tout ce que l’on désire, il y
a toujours certaines compensations possibles. Je
n’eus donc pas de peine à pousser Franz à baiser
non seulement ma bouche et mes seins, mais à choisir
un but plus décisif. Mais comme l’âme ne peut
pas rester tranquille dans un baiser sur la bouche, elle
le peut encore moins quand il s’agit de nos autres
charmes ; et quand mes soupirs, mes palpitations et
mes sursauts lui apprirent que j’avais un faible pour
cette caresse, il devint même spirituel et me procura
une jouissance indescriptible. Parfois, il semblait
vouloir en profiter quand, après le déversement de
mon âme, une prostration, un abandon complet me
gagnait. Il se soulevait alors et voulait profiter d’une
seconde d’inattention. Chaque fois il fut trompé, car
même au moment de l’extase je ne perdais jamais
de vue tout ce que je risquais en cédant dans le point
principal. Il descendait alors tout confus du trône
qu’il croyait avoir déjà conquis et devait s’adresser
là où je pouvais être heureuse sans danger. Ce que Marguerite
m’avait conté de ses jeux secrets avec sa maîtresse,
je le goûtais maintenant. Quand Franz était
couché avec sa tête bouclée devant moi, me caressant
le cou, le front et les cheveux, je trouvais que sa
caresse avait le jeu le plus fou, le plus amusant, me
chatouillait, me faisait rire, tâchait même d’être
variée autant que possible, et quand tranquillement
étendue je jouissais sans inquiétude, je me comparais
intérieurement à la baronne et me trouvais beau-
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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS