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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


pour mon plus grand malheur — j’étais décidée à ne jamais lui accorder les droits entiers d’un mari. Il devait me servir d’amusement. Je voulais connaître et expérimenter avec lui tout ce que je pouvais goûter sans danger. Naturellement, il devint peu à peu plus osé, mais comme je ne lui accordais pas tout, je le dominais toujours et j’en faisais ce que je voulais.

Aussi souvent que j’étais seule avec lui — et j’étais assez raisonnable pour que cela n’arrivât pas trop souvent — je passais les heures les plus exquises. Je lui permettais la liberté la plus entière, et bientôt il ne fut plus aussi inexpert et aussi sauvage que dans le fiacre. Il osait me baiser partout, me caresser, m’admirer. Il est vrai qu’il me donnait beaucoup à faire à l’empêcher d’aller plus loin. Quand il essayait ce que je lui défendais avec acharnement je le repoussais en arrière et je ne redevenais bonne enfant que quand il me promettait d’être plus modeste. Le pauvret avait bien de la peine, je remarquai plusieurs fois qu’il ne pouvait plus être maître de son excitation et qu’il s’affaiblissait. Depuis longtemps, j’étais terriblement curieuse de voir de près cette chose admirable que la nature a si merveilleusement organisée et avec laquelle l’homme peut nous rendre ineffablement heureuses ou indiciblement malheureuses. Naturellement, il ne devait pas remarquer ce que je désirais tant, mais, au contraire, il devait croire que c’était lui qui me conduisait pas à pas sur ce sentier abrupt. Le meilleur moyen était de lui permettre de me faire tout ce que je désirais