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y avait donc μικρά, καὶ μείζονα, καὶ μέγιστα μυστήρια[1]. Cette manière de faire reposait sur une appréciation exacte de l’inégalité intellectuelle des hommes.

Démophèle. — L’éducation dans nos écoles primaires, moyennes et supérieures, représente jusqu’à un certain point les différents degrés d’initiation des mystères.

Philalèthe. — Oh ! seulement d’une façon très approximative ; et cela, encore, tant qu’on a traité exclusivement en latin les matières de haute science. Mais depuis qu’on a cessé de le faire, tous les mystères sont profanés.

Démophèle. — C’est possible. En tout cas, je tiens à te rappeler, au sujet de la religion, que tu devrais l’envisager bien moins du côté théorique que du côté pratique. La métaphysique personnifiée peut être son ennemie, mais la morale personnifiée sera son amie. Peut-être dans toutes les religions la partie métaphysique est-elle fausse ; mais dans toutes la partie morale est vraie. On peut conclure de ce seul fait que sur le premier point elles sont toutes en désaccord, tandis que sur le second elles s’accordent toutes.

Philalèthe. — Ce qui corrobore cette règle de logique à savoir que de fausses prémisses peut sortir une conséquence vraie.

Démophèle. — Eh bien ! restes-en à la conséquence, et n’oublie jamais que la religion a deux faces. Même si, considérée uniquement du point de vue théorique, c’est-à-dire intellectuel, elle ne pouvait affirmer son droit, elle apparaît en revanche, du point de vue moral, comme l’unique moyen de diriger, de dompter et d’a-

  1. « De petits, de moyens et de grands mystères ».