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πλῆθος ἀδύνατον εἶναι de Platon. Or, le temps et les circonstances seules fondent l’autorité. Nous ne pouvons donc l’accorder à ce qui n’a pour soi que des raisons. En conséquence, il nous faut la laisser à ce qui l’a obtenue dans le cours de l’histoire, même si ce n’est que la vérité représentée allégoriquement. Celle-ci, appuyée sur l’autorité, s’adresse avant tout à la tendance métaphysique de l’homme, c’est-à-dire au besoin théorique découlant de l’irritante énigme de notre existence et de la constatation que, derrière le monde physique, doit se trouver un monde métaphysique, immuable, qui sert de base à l’éternel changement ; elle s’adresse ensuite à la volonté, aux craintes et aux espoirs des mortels vivant dans de perpétuels ennuis ; elle leur crée donc des dieux et des démons qu’ils peuvent invoquer, apaiser, se concilier. Finalement, elle fait appel aussi à leur conscience morale indéniable, à laquelle elle prête une confirmation et un support du dehors ; appui sans lequel cette conscience, en lutte contre tant de tentations, ne se maintiendrait pas aisément. De ce côté précisément la religion offre, dans les nombreux et grands chagrins de la vie, une source inextinguible de consolation et de tranquillité, qui n’abandonne pas l’homme même dans la mort, et déploie au contraire alors toute son efficacité. La religion ressemble ainsi à celui qui prend et conduit par la main un aveugle, qui a besoin d’être guidé ; mais la seule chose qui importe, c’est que le guide atteigne sa destination, et non qu’il voie tout.

Philalèthe. — C’est là certainement le côté brillant de la religion. Si elle est une fraude, elle est vraiment une fraude pieuse, on ne peut le nier. Mais les prêtres