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monde de voir un ecclésiastique passer d’une religion ou d’une confession à une autre. Ainsi, par exemple, le clergé catholique est entièrement convaincu de la vérité de tous les principes de son église, comme le clergé protestant de ceux de la sienne, et tous deux défendent avec un zèle égal les principes de leur confession. Cependant cette conviction n’est que le produit du pays où chacun est né le prêtre de l’Allemagne du Sud reconnaît pleinement la vérité du dogme catholique, celui de l’Allemagne du Nord la vérité du dogme protestant. Si donc ces conditions reposent sur des raisons objectives, ces raisons doivent être climatiques, et, comme les plantes, prospérer les unes seulement ici, les autres seulement là. Or, le peuple accepte toujours comme argent comptant les convictions de ces convaincus « locaux ».

Démophèle. — Il n’y a pas de mal à cela, et, en réalité, pas de différence. Le protestantisme, par exemple, convient mieux au Nord, et le catholicisme au Sud.

Philalèthe. — Il semble en être ainsi. Je me place néanmoins à un point de vue plus haut, et me propose un objet plus important : les progrès de la constatation de la vérité dans la race humaine. N’est-ce pas pour celle-ci une terrible chose que chaque homme, en quelque lieu qu’il naisse, accepte dès sa plus tendre jeunesse certaines affirmations qu’il ne doit jamais mettre en doute, lui assure-t-on, sous peine de son salut éternel ? affirmations qui affectent le fondement de toutes nos autres connaissances, déterminent par conséquent pour toujours notre point de vue à leur égard, et, si elles sont fausses, le pervertissent à jamais. De plus, comme leurs conséquences pénètrent le système entier