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SUR LA RELIGION


DIALOGUE

Démophèle. — Entre nous soit dit, mon cher et vieil ami, je n’aime pas ta façon de manifester parfois tes aptitudes philosophiques, en te répandant en sarcasmes et même en railleries ouvertes contre la religion. La croyance d’un chacun est sacrée pour lui, et elle devrait en conséquence l’être aussi pour toi.

Philalèthe.Nego consequentiam. Je ne vois pas pourquoi la niaiserie d’autrui devrait m’inspirer le respect du mensonge et de la fourberie. J’honore la vérité partout où je la rencontre. Pour cette raison précisément, je ne puis honorer son contraire. Ma maxime est : Vigeat veritas, et pereat mundus, qui équivaut à celle du juriste : Fiat justitia, et pereat mundus. Chaque profession devrait avoir une devise du même genre.

Démophèle. — Alors celle des médecins pourrait être : Fiant pilulæ, et pereat mundus. Ce serait la plus facile à mettre en pratique.

Philalèthe. — Que le ciel nous protège ! Il faut prendre toute chose cum grano salis.

Démophèle. — Eh bien ! voilà pourquoi je voudrais te voir traiter la religion aussi cum grano salis, et com-