Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est Gœthe qui parle ainsi. Mais le panthéisme se heurte en tout cas à l’écueil du mal et de la souffrance. Si le monde est une théophanie, tout ce que fait l’homme, et l’animal lui-même, est nécessairement divin et excellent. En conséquence, il n’y a pas dans le panthéisme place pour une morale.

C’est à la fois en poète et en satirique que Schopenhauer expose ses idées religieuses. Ce double caractère se marque surtout dans son Dialogue sur la religion, qui ouvre le présent volume. C’est un des chapitres des Parerga et Paralipomena qui, à son apparition, fut accueilli avec le plus de curiosité et provoqua les jugements les plus opposés. Sans ouvrir des perspectives encore inconnues et sans révéler des mystères ignorés jusque-là, il donnait une expression lucide et en quelque sorte définitive aux vues un peu vagues que professent sur ce sujet toujours intéressant les gens avides de s’éclairer, mais auxquels une instruction spéciale insuffisante interdit la logique serrée du raisonnement. La conversation entre Démophèle (dupeur du peuple) et Philalèthe (ami de la vérité) tient à la fois de Hume et de Voltaire, du premier par le sérieux des idées, la clarté limpide de l’exposé, la force de l’argumentation, et du second par l’esprit sarcastique et l’acrimonie corrosive ; on pourrait ajouter à ces noms celui de Lucien ou de Heine, pour la qualité du granum salis ; tout ce précipité s’amalgame en du Schopenhauer de première marque. Quant au fond, on sent que David Strauss a précédé avec sa Vie de Jésus, et même Feuerbach avec son Essence du christianisme. Ainsi, constatation piquante, Schopenhauer, l’ennemi acharné de Hegel et de son école, subissait, au moins sur un point de sa doctrine, l’influence des hégéliens, de ceux seulement de l’extrême gauche, il est vrai, qui trouvaient le Maître infiniment trop timide, et, rompant avec les disciples de la première heure, tiraient des conséquences radicales des prémisses politiques et religieuses qu’il avait posées.

Les chapitres sur l’ « affirmation et négation de la volonté de vivre » et sur « le néant de l’existence », qui font suite à l’exposé des doctrines religieuses de Schopenhauer, se ratta-