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SUR LE SUICIDE


Autant que je puis voir, ce sont seulement les sectateurs des religions monothéistes, c’est-à-dire juives, qui regardent le suicide comme un crime. Ceci est d’autant plus surprenant, qu’on ne trouve ni dans l’Ancien Testament ni dans le Nouveau soit une défense, soit même une désapprobation décidée de cet acte. Les professeurs de religion doivent en conséquence baser leur condamnation du suicide sur leurs raisons philosophiques à eux, d’ailleurs si mauvaises, qu’ils cherchent à suppléer à la faiblesse des arguments par la vigueur des expressions de leur mépris pour le suicide, c’est-à-dire par des injures. Alors on nous dit que c’est la plus grande des lâchetés, qu’il n’est possible que dans un accès de folie, et autres niaiseries semblables, ou encore qu’il est « injuste », ce qui n’a aucun sens : comme si chacun n’avait pas avant tout un droit incontestable sur sa propre personne et sur sa vie ! Le suicide, ainsi que je l’ai fait remarquer, est même compté parmi les crimes, et il entraîne comme conséquences un enterrement honteux et la confiscation des biens, surtout dans la grossière et bigote Angleterre ; voilà pourquoi le jury, rend presque toujours un verdict de folie. Laissons avant tout le sentiment