Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

façon naïve par laquelle la nature, toujours vraie et sincère, déclare que l’effort entier de cette volonté est essentiellement nul. S’il était une chose ayant de la valeur en soi, une chose devant nécessairement être, le néant ne serait pas son point d’aboutissement. C’est la note dominante du beau lied de Goethe :

Au sommet de la haute tour
Se dresse le noble esprit du héros[1].

Ce qui prouve avant tout la nécessité de la mort, c’est que l’homme est un simple phénomène, non une chose en soi, donc nul ὄντως ὄν. S’il était cela, il ne pourrait périr. Et que la chose en soi qui se trouve au fond de phénomènes de cette espèce ne puisse se présenter qu’en eux, c’est une conséquence de sa nature.

Quelle différence entre notre commencement et notre fin ! Celui-là est caractérisé par les illusions du désir et les transports de la volupté, celle-ci par la destruction de tous nos organes et l’odeur cadavérique. La route qui les sépare, quant au bien-être et à la joie de la vie, va toujours aussi en pente descendante : l’enfance aux rêves joyeux, la gaie jeunesse, la virilité laborieuse, la vieillesse caduque et souvent lamentable, les tortures de la dernière maladie, et enfin le combat de la mort. Ne semble-t-il pas que l’existence soit vraiment une méprise dont les suites deviennent peu à peu et toujours plus évidentes ?

La conception la plus exacte de la vie, c’est qu’elle

  1. « Hoch auf dem alten Thurme steht
    Des Helden edler Geist. »

    Lieder : Geistesgruss.