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comme les précédentes, c’est-à-dire d’un très haut point de vue, trouver une justification des souffrances de l’humanité, celle-ci ne s’étend cependant pas aux animaux, dont les souffrances, provoquées en grande partie par l’homme, mais souvent aussi sans sa participation, sont considérables[1]. En conséquence, cette question se pose : pourquoi cette volonté tourmentée et anxieuse dans tant et tant de milliers de formes, sans la liberté de l’affranchissement qui est impliquée par la réflexion ? La souffrance du monde animal se justifie seulement par le fait que la volonté de vivre, ne trouvant absolument rien en dehors d’elle dans le monde des phénomènes et étant une volonté affamée, doit dévorer sa propre chair. De là la gradation de ses phénomènes, dont chacun vit aux dépens d’un autre. Pour le reste, je renvoie à mon exposé des Douleurs du monde[2], où l’on verra que la capacité de la souffrance est infiniment moindre chez l’animal que chez l’homme. Mais ce qu’on pourrait ajouter encore à ce sujet paraîtrait hypothétique, même mythique, et peut être abandonné aux spéculations du lecteur lui-même.


  1. Voir les additions au Monde comme volonté et comme représentation (chap. xxviii).
  2. Ce chapitre se trouve traduit en partie dans le volume de J. Bourdeau : Pensées, maximes et fragments de Schopenhauer (Félix Alcan, éditeur). (Le trad.)