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elle. (Voir, par exemple, Épître aux Romains, chap. vii, et Épître aux Galates, chap. ii et iii.) Il prêche le royaume de la grâce, qu’il faut obtenir par la foi, l’amour du prochain et le complet renoncement de soi-même : c’est la voie par laquelle on s’affranchit du mal et du monde. Car, en dépit de toute torsion rationaliste protestante, l’esprit ascétique est proprement l’âme du Nouveau Testament. Or, cet esprit est précisément la négation de la volonté de vivre ; et ce passage de l’Ancien Testament au Nouveau, de la domination de la loi à la domination de la foi, de la justification par les œuvres à la rédemption par le médiateur, de l’empire du péché et de la mort à la vie éternelle en Jésus-Christ, signifie, sensu proprio, le passage des vertus purement morales à la négation de la volonté de vivre. Toutes les éthiques philosophiques qui m’ont précédé ont retenu l’esprit de l’Ancien Testament avec sa loi morale absolue (c’est-à-dire dépourvue de fondement comme de but), et avec tous ses commandements et prohibitions en morale, auxquels on ajoute tacitement le chef suprême Jéhovah, quelque différentes que puissent être les formes et les manifestations de ceux-là. Mon éthique, au contraire, a un fondement et un but ; elle démontre avant tout théoriquement le fondement métaphysique de la justice et de l’amour du prochain, et montre ensuite aussi le but auquel ceux-ci, quand ils sont parvenus à leur perfection, doivent finir par conduire. En même temps elle reconnaît sincèrement la perversité de ce monde, et indique la négation de la volonté comme le moyen de s’en affranchir. Elle est donc réellement dans l’esprit du Nouveau Testament, tandis que toutes les autres sont dans l’esprit de l’An-