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individus à l’aide de la volonté et de l’intellect et de leur dissolution subséquente, cependant le principe métaphysique résidant à sa base est de nature si hétérogène, qu’il n’est pas affecté par lui, et que, sur ce point, il nous est permis de nous consoler.

On peut en conséquence considérer chaque être humain de deux points de vue opposés. Du premier, il est un individu commençant et finissant dans le temps, passant d’une manière fugitive, σκιᾶς ὄναρ[1], avec cela lourdement chargé de fautes et de douleurs. De l’autre, il est l’être originel indestructible qui s’objective en tout être existant, et qui a le droit de dire, en cette qualité, comme la statue d’Isis à Saïs : ἐγώ εἰμι πᾶν τὸ γεγονὸς, καὶ ὂν, καὶ ἐσόμενον. Sans doute, un tel être pourrait faire quelque chose de mieux que de se manifester dans un monde comme celui-ci ; car c’est le monde fini de la souffrance et de la mort. Ce qui est en lui et ce qui sort de lui doit finir et mourir. Mais ce qui ne sort pas de lui et ne veut pas sortir de lui, le traverse avec la toute-puissance d’un éclair qui frappe en haut, et ne connaît ensuite ni temps ni mort. Unir toutes ces antithèses, c’est proprement le thème de ma philosophie.


  1. « Le songe d’une ombre ».