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naturel et te conviendra autant, qu’aujourd’hui, ton existence individuelle organique. Tu n’as donc à redouter tout au plus que le moment de la transition. Oui, puisque l’examen attentif de la chose apporte ce résultat, que la non-existence complète serait préférable à une existence comme la nôtre. Ainsi la pensée de la cessation de notre existence, ou d’un temps où nous ne serons plus, doit raisonnablement aussi peu nous attrister que la pensée que nous n’aurions jamais existé. Or, comme cette existence est essentiellement personnelle, la fin de la personnalité ne doit pas être regardée comme une perte. »

À celui qui, au contraire, aurait suivi, par la voie objective et empirique, le sentier plausible du matérialisme, et qui maintenant, saisi de terreur à l’idée du complet anéantissement par la mort qui s’empare de lui, s’adresserait à nous, nous apporterions peut-être la tranquillité de la façon la plus simple et répondant à son mode empirique de pensée, en lui démontrant la différence entre la matière et la force métaphysique qui en prend toujours temporairement possession. Il en est ainsi dans l’œuf de l’oiseau, dont la fluidité si homogène et si informe revêt aussitôt, avec la température requise, la forme si compliquée et exactement déterminée du genre et de l’espèce de l’oiseau à en naître. Ceci est en une certaine mesure une sorte de generatio æquivoca ; et il est très vraisemblable que la série ascendante des formes animales est imputable au fait qu’un jour, aux temps primitifs et dans un heureux moment, elle s’éleva du type de l’animal auquel l’œuf appartenait, à un type plus élevé. En tout cas, quelque chose de distinct de la matière apparaît ici de la façon la plus claire, d’autant