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tinction entre le phénomène et la chose en soi, de l’indestructibilité de notre être proprement dit, en tant que laissé intact par le temps, la causalité et le changement, est rendue impossible par la fausse opposition de l’âme et du corps, comme aussi par l’élévation de la personnalité entière à une chose en soi qui doit éternellement exister ; mais, de plus, cette fausse conception ne peut pas même être regardée comme représentant la vérité, parce que la raison se soulève toujours de nouveau contre l’absurdité qui y réside au fond, et doit renoncer, en même temps qu’à l’absurdité, à la vérité qui s’y trouve amalgamée. Car, à la longue, la vérité peut seulement exister dans sa pureté. Mêlée à des erreurs, elle participe à leur fragilité. C’est ainsi que le granit se désagrège, quand son feldspath se décompose, quoique le quartz et le mica ne soient pas exposés à cette décomposition. Les choses vont donc mal pour les succédanés de la vérité.

Quand, dans les rapports quotidiens de la vie, on est interrogé sur la continuation de l’existence après la mort par un de ces gens qui voudraient tout savoir, mais ne veulent rien apprendre, la réponse la plus convenable et aussi la plus correcte est évidemment celle-ci : « Après ta mort, tu seras ce que tu étais avant ta naissance ». Elle implique en effet l’absurdité qui consiste à vouloir qu’un genre d’existence qui a un commencement n’ait pas de fin ; elle renferme en outre l’indication qu’il pourrait bien y avoir deux sortes d’existences, et, conséquemment, deux sortes de néant. De même on pourrait répondre : « Ce que tu seras après ta mort, — même si tu n’es rien, — sera pour toi aussi,