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PHILOSOPHIE DE LA RELIGION


Si nous admettons — et cette admission est à peu près certaine, dès que l’on croit à la vérité fondamentale des Évangiles — que Jésus-Christ a été un homme affranchi de tout mal et de tout penchant mauvais[1], il faut nommer son corps seulement un corps apparent[2], car le corps présuppose nécessairement les penchants mauvais, puisqu’il n’est en réalité que le penchant mauvais incarné et devenu visible. S’imaginer qu’un homme ainsi affranchi de tout penchant mauvais, qu’un homme qui porte un corps apparent, est né d’une vierge, est une excellente idée. Même physiquement, cela n’est pas en dehors d’une certaine possibilité, quoique éloignée. Certains animaux — quelques

  1. Paul, Ad Romanos, VIII, 3 : « Deus filium suum misit in similitudinem carnis peccati. » Saint Augustin explique ceci (Quæstiones, livre LXXXIII, chap. lxvi) : « Non enim caro peccati erat, quæ non de carnali delectatione nata erat : sed tamen inerat et similitudo carnis peccati, quia mortalis caro erat. »
  2. « D’autres, sur les traces de Valentinus, convertirent en allégorie toute l’histoire de la génération du Christ : doctrine que réfuta l’orthodoxe Irénée. Après lui, Appelle et d’autres nièrent que le Christ fût un homme réel, et affirmèrent qu’il était un fantôme sans corps. Tertullien disputa contre eux, surtout à l’aide de cet argument, que ce qui n’a pas de corps n’existe pas. L’hérétique Arius nia que le Christ fût Dieu. » Hobbes, Léviathan, chap. xlvi.