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Je conseillerais à ces messieurs de la révélation de ne pas tant parler d’elle au jour actuel. Autrement on pourrait facilement leur révéler ce qu’est en réalité la révélation.

Une religion qui a pour fondement un seul événement, et qui prétend faire de cet événement, qui s’est passé ici ou là, et de loin en loin, la période critique du monde et de toute existence, une telle religion a un fondement si faible, qu’il lui est absolument impossible de subsister, dès que les gens commencent à réfléchir quelque peu. Combien est sage de la part du bouddhisme, au contraire, l’acceptation des mille Bouddhas ! De cette façon, il n’en est pas comme dans le christianisme, où Jésus-Christ a sauvé le monde, et où, en dehors de lui, aucun salut, n’est possible ; mais quatre mille ans, dont les monuments se dressent majestueusement en Égypte, en Asie et en Europe, n’ont rien pu savoir de lui, et ces siècles, avec toute leur splendeur, menaient tout bonnement au royaume du diable ! Les nombreux Bouddhas sont nécessaires, parce qu’à la fin de chaque kalpa le monde meurt, et avec lui la doctrine. Un monde nouveau exige donc un Bouddha nouveau. Le salut est toujours sous la main.

Si la civilisation est la plus avancée chez les peuples chrétiens, cela ne provient pas de ce que le christianisme lui est favorable, mais de ce qu’il est en train de mourir et a désormais peu d’influence. Tant qu’il en avait, la civilisation était bien en retard : c’était le moyen âge. Au contraire, l’islamisme, le brahmanisme et le bouddhisme continuent à exercer une influence décisive sur la vie. C’est encore en Chine que cette influence est la moins sensible, ce qui fait que la civili-