Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tain côté assène encore à la chose le coup de mort. On voit, dans le carnaval des villes italiennes, de fous masques courir au milieu des gens qui vont tranquillement et sérieusement à leurs affaires ; de même nous voyons aujourd’hui en Allemagne s’agiter parmi les philosophes, les naturalistes, les historiens, les critiques et les rationalistes, des tartufes habillés à la mode d’il y a plusieurs siècles ; et l’effet est burlesque, surtout quand ils haranguent.

Ceux qui s’imaginent que les sciences peuvent continuer à progresser et à se répandre sans empêcher la religion de subsister et de fleurir, sont dans une grande erreur. La physique et la métaphysique sont les ennemies naturelles de la religion, et celle-ci est en conséquence l’ennemie de celles-là, qu’elle s’efforce de supprimer, comme la physique et la métaphysique s’efforcent de la détruire. Parler de paix et d’accord entre les unes et l’autre, est chose tout à fait risible il y a entre elles guerre à mort. Les religions sont les enfants de l’ignorance, et ne survivent pas longtemps à leur mère. C’est ce qu’a bien compris Omar en brûlant la bibliothèque d’Alexandrie. Il donna pour raison que le contenu des livres se trouvait dans le Koran, ou sinon qu’il était superflu. Cette raison, qui passe pour inepte, est au contraire très fine, si on la comprend cum grano salis, en lui faisant signifier que les sciences, quand elles s’élèvent au-dessus du Koran, sont hostiles à la religion, et en conséquence ne doivent pas être tolérées. Le christianisme se trouverait dans une bien meilleure posture, si les souverains chrétiens avaient été aussi intelligents qu’Omar. Mais maintenant il est un peu tard pour brûler tous les livres, supprimer