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ralistes et les rationalistes. Ceux-là veulent affirmer l’allégorie vraie en soi ; ceux-ci l’interpréter et la modeler, jusqu’à ce qu’elle puisse être vraie en soi selon leur manière de voir. Chaque parti lutte donc à ce sujet contre l’autre à l’aide de raisons vigoureuses et frappantes. Les rationalistes disent aux supranaturalistes : « Votre doctrine n’est pas vraie ». Ceux-ci leur répondent : « Votre doctrine n’est pas le christianisme ». Tous deux ont raison. Les rationalistes croient prendre la raison pour mesure : mais ils ne prennent que la raison impliquée dans les prémisses du théisme et de l’optimisme, quelque chose comme « la profession de foi du vicaire savoyard » de Rousseau, ce prototype de tout rationalisme. Ils ne veulent donc maintenir du dogme chrétien que ce qu’ils regardent comme vrai sensu proprio : le théisme et l’âme immortelle. Mais si alors ils en appellent, avec l’audace de l’ignorance, à la « raison pure », il faut leur servir sa « critique » pour les forcer à comprendre que leurs dogmes, choisis comme conformes à la raison en vue de leur maintien, se basent seulement sur une application transcendante de principes immanents, et constituent en conséquence un dogmatisme philosophique non critique, par suite non défendable, que la critique de la raison pure combat de tous les côtés et dont elle démontre la vanité ; son nom seul annonce son antagonisme avec le rationalisme.

Aussi, tandis que le supranaturalisme a pourtant une vérité allégorique, il est impossible d’en reconnaître une au rationalisme. Les rationalistes ont nettement tort. Pour être un rationaliste, il faut être philosophe, et, comme tel, s’émanciper de toute autorité, aller de