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des épopées sur la Table-Ronde, par de la Villemarqué, 2 vol., 1842 ; et The Life of King Arthur, from ancient historians and authentic documents, par Ritson, 1825. — Arthur apparaît ici comme une lointaine et indistincte figure nébuleuse, mais cependant non sans reposer sur un fond réel.) Il en est presque de même avec Roland, qui est le héros de tout le moyen âge, auquel on consacre des chants sans nombre, des poèmes épiques ainsi que des romans, et même des statues, jusqu’à ce qu’il finisse par former le sujet du poème de l’Arioste, d’où il sort transfiguré. Or, ce Roland n’est mentionné qu’une seule fois par l’histoire, accidentellement et en trois mots : Éginhard le cite parmi les notabilités tombées à Roncevaux (Hroudlandus, britannici limitis præfectus), et c’est tout ce que nous savons de lui. De même, tous nos renseignements sur Jésus-Christ se bornent en réalité à la mention qu’en fait Tacite dans ses Annales (livre XV, chap. xliv).

Un exemple encore est fourni par l’illustre Cid des Espagnols, glorifié par les légendes et les chroniques, avant tout par les chants populaires du si magnifique Romancero, enfin par la meilleure tragédie de Corneille, qui concordent passablement, les uns et les autres, dans les circonstances principales, notamment en ce qui concerne Chimène ; d’autre part, des maigres données historiques que l’on possède sur lui, il ne ressort qu’un chevalier vaillant sans doute, et un excellent général, au caractère cruel et infidèle, même vénal, se mettant au service tantôt d’un parti, tantôt de l’autre, et plus souvent à celui des Sarrasins qu’à celui des chrétiens, à peu près à la façon d’un condottiere. Ce