Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

§ 42-44. Si les Évangiles avaient été composés un siècle plus tard, par exemple, sans documents contemporains, on se serait bien gardé d’y introduire de pareilles prophéties, dont le non-accomplissement si choquant sautait alors aux yeux. On n’aurait pas davantage introduit dans les Évangiles tous ces passages à l’aide desquels Reimarus construit avec une grande sagacité ce qu’il nomme le premier système des disciples, pour lesquels Jésus n’était alors qu’un libérateur terrestre des Juifs, si les auteurs des Évangiles n’avaient pas travaillé sur la foi de documents contemporains qui renfermaient lesdits passages. Même une simple tradition orale parmi les croyants aurait laissé tomber ces prédictions qui devaient nuire à la foi. Soit dit en passant, on ne s’explique pas que Reimarus ait négligé le passage le plus favorable à son hypothèse, celui de Jean, xi, 48 (à rapprocher de i, 50, de vi, 15), et aussi ceux de Matthieu, xxvii, 28-30 ; de Luc, xxiii, 1-4, xxxvii, 38 ; de Jean, xix, 19-22. Si l’on voulait appuyer sérieusement et développer cette hypothèse, on devrait admettre que le fond religieux et moral du christianisme a été constitué par les Juifs, alexandrins, initiés aux doctrines religieuses indoues et bouddhistes, et qu’ensuite un héros politique, avec sa triste destinée, vint former le trait d’union entre celles-ci, par suite de la transformation du Messie terrestre primitif en un Messie céleste. Au surplus, la chose n’est pas si

    plement la doctrine des déistes anglais de l’époque. Cette publication fit jeter feu et flammes aux obscurantistes du temps, avant tout au pasteur Melchior Gœze, de Hambourg, auquel Lessing riposta par ses fameux Anti-Gœze, qu’on a appelés les « Provinciales » de l’Allemagne. (Le trad.)