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parfum de fleurs porté des lointains tropiques à travers les montagnes et les torrents, on sent dans le Nouveau Testament l’esprit de la sagesse indoue. Rien de l’Ancien Testament, au contraire, ne convient à celle-ci, si ce n’est le dogme de la chute, qui a dû être aussitôt ajouté comme correctif du théisme optimiste, et auquel l’Ancien Testament s’est aussi attaché, comme au seul point d’appui qui s’offrait à lui.

La connaissance approfondie d’une espèce exige celle de son genre, et celui-ci à son tour n’est reconnu que dans ses espèces, de même, la compréhension approfondie du christianisme exige la connaissance solide et exacte des deux autres religions qui nient le monde, le brahmanisme et le bouddhisme. Ainsi que le sanscrit, avant tout, nous donne la clé des langues grecque et latine, le brahmanisme et le bouddhisme nous donnent celle du christianisme.

Je nourris même l’espoir qu’il y aura un jour des exégètes de la Bible au courant des religions indoues, qui seront à même d’établir la parenté de celles-ci avec le christianisme, par des traits tout spéciaux. Rien qu’à titre d’essai, je fais en attendant les remarques suivantes. Dans l’Épître de Jacques (III, 6), l’expression ὁ τροχὸς τῆς γενέσεως (mot à mot : la roue de la naissance) a fait de tout temps le désespoir des interprètes. Or, dans le bouddhisme, la roue de la migration des âmes est une idée courante. On lit dans la traduction du Foe-Kue-ki, par Abel Rémusat : « La roue est l’emblème de la transmigration des âmes, qui est comme un cercle sans commencement ni fin » (p. 28). « La roue est un emblème familier aux bouddhistes ; elle exprime le passage successif de l’âme dans le cercle des divers modes