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combien elle était une horrible chose. Il disait qu’on devait en conséquence y recourir le plus rarement possible et seulement dans le cas de recherches importantes destinées à produire des résultats immédiats ; qu’alors l’expérience devait se faire avec la plus grande publicité, dans le grand amphithéâtre, après une invitation adressée à tous les médecins, afin que le cruel sacrifice opéré sur l’autel de la science rapportât le plus grand profit. De nos jours, au contraire, chaque médicastre se croit autorisé pratiquer dans sa chambre de torture les plus affreux tourments contre les animaux, en vue de résoudre des problèmes dont la solution se trouve depuis bien longtemps dans des livres où sa paresse et son ignorance l’empêchent de fourrer le nez. Nos médecins n’ont plus la culture classique d’autrefois, qui leur conférait un certain humanisme et une certaine noblesse d’allure. Maintenant ils entrent le plus tôt possible à l’Université, uniquement pour apprendre à préparer leur cataplasme, et pour faire avec cela leur chemin sur la terre.

Il convient de signaler particulièrement l’acte horrible commis à Nuremberg par le baron Ernest de Bibra[1], qui l’a conté au public avec une incroyable naïveté, tanquam re bene gesta (comme une belle chose), dans ses Recherches comparées sur le cerveau de l’homme et des animaux vertébrés (Mannheim, 1854, pp. 131 et

  1. En dépit de cet anathème lancé par Schopenhauer contre le baron Ernest de Bibra, celui-ci était un homme de valeur. Il voyagea beaucoup et écrivit de nombreux ouvrages de science, de médecine, d’archéologie, ainsi que des récits de voyages et des romans pleins d’intérêt. Né en 1806, il mourut en 1878 à Nuremberg.(Le trad.)