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plats et tres épais ; non une chose absolument objective, il s’en faut de beaucoup, mais une chose subjective au plus haut degré, et, en outre, imaginée par de tres médiocres sujets. Considérez ensuite la hauteur et la durée de cette tour de Babel, et appréciez l’incalculable dommage que cette extravagante philosophie absolue, imposée a la jeunesse stu-dieuse par des moyens extérieurs insolites, a du causer a la génération grandie avec elle, et, par celle-ci, a l’époque tout entiere. Une quantité innombrable de cerveaux de la génération actuelle n’ont-ils pas été faussés et gâtés de fond en comble par elle ? Ne sont-ils pas remplis de vues corrompues et n’émettent-ils pas, en place d’idées, des phrases vides, un galimatias dénué de sens, un dégoutant jargon hégélien ? L’ensemble des vues sur la vie ne revet-il pas a leurs yeux un aspect fou, et les sentiments les plus plats, les plus marqués au coin du philistinisme, les plus vils, n’ont-ils pas pris la place des hautes et nobles idées qui animaient encore leurs prédécesseurs immédiats ? En un mot, la jeunesse sortie du four d’incubation de l’hégélia-nisme ne se compose-t-elle pas de gens châtrés d’esprit, incapables de penser, et pleins de la plus ridicule présomption ? Ils sont vraiment pour l’esprit ce que sont pour le corps certains héritiers du trône, qu’on cherchait jadis, par des exces ou par des drogues, a rendre incapables de gouverner ou tout au moins de continuer leur race : énervés intellectuellement, privés de l’usage normal de leur raison, objets de pitié, source durable de larmes paternelles !

Et entendez aussi, d’autre part, les jugements choquants proférés sur la philosophie meme et les reproches injustifiés dont elle est l’objet ! En examinant les