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Omnia enim stolidi mugis admirafttur urrtantgue, Inver-sis quae sub verbis latitantia cernurit. Lucrece, livre 1, vers 642-643.

« Car les imbéciles admirent et aiment davantage tout ce qu’ils voient caché sous des expressions figurées. » (N.d.T.)

Encouragé par de tels exemples, presque chaque misérable barbouilleur a cherché depuis lors a écrire avec une obscurité prétentieuse, de façon a laisser croire qu’aucun mot n’était capable d’exprimer ses hautes ou profondes pen-sées. Au lieu de s’efforcer par tous les moyens d’etre clair pour son lecteur, il semble lui crier souvent d’un air narquois : « N’est-ce pas, tu ne peux deviner ce que je veux dire ? » Si celui-la, au lieu de répondre : « Voila qui m’est bien égal ! », et de jeter le livre, cherche en vain a y voir clair, il finit par etre d’avis que ce livre doit pourtant renfermer quelque chose de tres fort, qui dépasse sa force d’intelligence, et, en faisant de gros yeux, il qualifie son auteur de penseur profond. Une conséquence, entre autres, de cette jolie méthode, c’est que, en Angleterre, quand on veut indiquer qu’une chose est tres obscure, et meme tout a fait inintclligihlc, on (lit : lt is like, gei-man metaphysics (cela ressemble a la métaphysique allemande), a peu pres a la façon dont l’on dit en France : « C’est clair comme la bou-teille a l’encre’. »

Il nous semble bien superflu de redire ici — quoiqu’on ne saurait trop le répéter — que les bons écrivains, au contraire, s’efforcent toujours de faire penser a leurs lecteurs exactement ce qu’ils ont pensé eux-memes ; celui qui a quelque chose de bon a communiquer prendra grand soin que cela ne se perde pas. Aussi la premiere