Page:Schopenhauer - Philosophie et philosophes (éd. Alcan), 1907.djvu/57

Cette page n’a pas encore été corrigée


ou ce qu’est le véritable critérium de la vérité et de la valeur possible d’une philosophie dans les Universités allemandes, et ce dont il s’agit ici ; en outre, une attaque de ce genre, même sans parler du mépris qu’inspire toute accusation d’hérésie, aurait dû être arrêtée tout net.

Celui qui voudrait d’autres preuves à cet appui n’a qu’à considérer l’épilogue de la grosse farce hégélienne. Je veux parler de la subite conversion si opportune de M. Schelling du spinozisme au bigotisme, et de sa nomination de Munich à Berlin qui en fut la conséquence. Toutes les gazettes retentirent de son nom, et l’on aurait pu croire, d’après leurs allusions, qu’il y apportait dans sa poche le Dieu personnel qu’on réclamait si instamment. L’affluence des étudiants fut si forte qu’ils escaladèrent la salle du cours par les fenêtres ; puis, à la fin de la leçon, un certain nombre de professeurs de l’Université, qui avaient été ses auditeurs, lui remirent très humblement le diplôme de grand homme. Bref, rappelons d’une façon générale son rôle excessivement brillant et non moins lucratif à Berlin, qu’il joua sans rougir, et cela dans un âge avancé où le souci du souvenir qu’on laissera l’emporte, chez les natures nobles, sur tout autre souci. Un tel spectacle pourrait vous rendre mélancolique ; on pourrait presque penser que les professeurs de philosophie eux-mêmes devraient en avoir honte ; mais c’est là de la pure fantaisie. Quant à celui qui, après une telle consommation, n’ouvre pas les yeux sur la philosophie universitaire et sur ses héros, celui-là est incurable.

En attendant, l’équité demande qu’on ne juge pas la philosophie universitaire seulement au point de vue de