Page:Schopenhauer - Philosophie et philosophes (éd. Alcan), 1907.djvu/55

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cela lui a-t-il nui, que son idée fondamentale ait été l’absurdité même, un monde renversé, une pantalonnade philosophique, son contenu le verbiage le plus creux et le plus vide auquel se soient jamais complus des imbéciles, et que le style, dans les œuvres de l’initiateur lui-même, ait été le galimatias le plus répugnant et le plus insensé, allant jusqu’à rappeler les délires des aliénés ? Pas le moins du monde ! Cette philosophie a ainsi plutôt fleuri, pendant vingt ans, comme la plus brillante philosophie universitaire, et lui a rapporté de solides honoraires ; elle a pris de l’embonpoint ; des centaines de volumes, notamment en Allemagne, l’ont prônée comme le sommet enfin atteint de la sagesse humaine et comme la philosophie des philosophies, et l’ont portée aux nues ; on examinait les étudiants sur elle, et on nommait des professeurs chargés de l’enseigner. Celui qui regimbait était déclaré « un fou en son genre » par le suppléant, devenu hardi, de l’auteur aussi souple que peu intelligent de cette philosophie, et même les quelques hommes qui osaient s’opposer faiblement à cette sottise ne s’y risquaient que timidement, en reconnaissant « le grand esprit et l’immense génie » de ce philosophraste inepte. La preuve de ce que l’on avance ici se trouve dans l’ensemble de la littérature de ce joli mouvement. Passée désormais à l’état d’actes fermés une fois pour toutes, elle s’achemine, à travers l’avant-cour de voisins qui rient ironiquement, vers le tribunal de la postérité qui, entre autres conclusions, manie aussi une cloche infamante que l’on peut faire résonner pendant des siècles entiers. Mais qu’est-ce qui est venu mettre si soudainement fin à cette gloire, précipiter la chute de