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que cette philosophie religieuse qualifiée plus haut de centaure, qui aboutit en réalité à une espèce de gnose ou à une manière de philosophie partant de prémisses arbitraires, nullement confirmées. Les titres des programmes, par exemple celui-ci : De verae philosophiae erga religionem pietate — inscription très bien appropriée à un tel pacage philosophique — caractérisent très nettement la tendance et les motifs de la philosophie en question. Sans doute, ces philosophes apprivoisés prennent parfois un élan qui paraît dangereux ; mais on peut attendre le résultat avec calme, en se disant qu’ils arriveront certainement au but fixé une fois pour toutes. Oui, parfois, on se sent tenté de croire qu’ils ont déjà terminé avant leur douzième année leurs recherches philosophiques regardées par eux comme sérieuses, et qu’ils ont établi à jamais, dès ce moment, leur vue de l’essence du monde et de ce qui s’y rattache. C’est qu’en effet, après toutes les discussions philosophiques et le fourvoiement dans des sentiers détournés périlleux, avec des guides hardis, ils reviennent toujours à ce qui nous paraît plausible dans cet âge, et semblent même le prendre comme critérium de la vérité. Toutes les doctrines philosophiques hétérodoxes dont ils ont dû s’occuper dans le cours de leur vie ne leur paraissent exister que pour être réfutées, et établir ainsi d’autant plus solidement les autres. On doit même s’étonner que, passant leur vie au milieu de tant de vilaines hérésies, ils aient néanmoins su garder si pure leur innocence philosophique intérieure.

Celui qui, ensuite, conserverait un seul doute sur l’esprit et le but de la philosophie universitaire n’a qu’à considérer la destinée de la fausse sagesse hégélienne.