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frère Charles veut, je le veux aussi. » (C’est de Milan qu’il s’agissait.) D’autres encore, sans tant de cérémonies, parlent franchement d’une philosophie chrétienne : ce qui revient à peu près au même que si l’on parlait d’une arithmétique chrétienne qui trouverait que deux et deux font cinq.

Certaines épithètes empruntées aux doctrines religieuses sont déplacées surtout dans la philosophie, qui se donne pour la raison tentant de résoudre, par ses propres moyens, et indépendamment de toute autorité, le problème de l’existence. Comme science, elle n’a nullement à s’occuper de ce qui peut ou doit être cru ; elle n’a qu’à s’occuper de ce qui se laisse savoir. Ceci serait-il tout différent de ce qu’il s’agit de croire, que, même par là, la foi n’en subirait aucun préjudice ; elle est précisément la foi, parce qu’elle renferme ce que l’on ne peut pas savoir. Si l’on pouvait le savoir, la foi serait quelque chose de tout à fait inutile et même de ridicule — à peu près comme si l’on greffait, par surcroît, sur des sujets de mathématique une doctrine religieuse. Si l’on a la persuasion que la vérité pleine et entière est contenue et exprimée dans la religion du pays, il faut s’y tenir et s’abstenir de toute philosophie. Mais ne cherchons pas à paraître ce que nous ne sommes pas. Prétendre rechercher impartialement la vérité, avec l’intention de donner la religion du pays comme résultat, mesure et contrôle de celle-ci, cela est inadmissible ; et une pareille philosophie, attachée à la religion du pays comme un chien de garde à sa chaîne, est seulement la caricature désagréable de l’effort le plus haut et le plus noble de l’humanité. En attendant, c’est justement un très important article d’écoulement des philosophes universitaires,