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touche à la démence. Au fond du cœur les femmes
 s’imaginent que les hommes sont faits pour gagner de 
l’argent et les femmes pour le dépenser ; si elles en sont 
empêchées pendant la vie de leur mari, elles se dédom
magent après sa mort. Et ce qui contribue à les con
firmer dans cette conviction, c’est que leur mari leur
 donne l’argent et les charge d’entretenir la maison. — Tant de côtés défectueux sont pourtant compensés par 
un avantage : la femme plus absorbée dans le moment
 présent, pour peu qu’il soit supportable en jouit plus 
que nous ; de là cet enjouement qui lui est propre et la 
rend capable de distraire et parfois de consoler l’homme
 accablé de soucis et de peines.

Dans les circonstances difficiles il ne faut pas dédai
gner de faire appel, comme autrefois les Germains, aux 
conseils des femmes ; car elles ont une manière de con
cevoir les choses toute différente de la nôtre. Elles vont
 au but par le chemin le plus court, parce que leurs 
regards s’attachent, en général, à ce qu’elles ont sous
 la main. Pour nous, au contraire, notre regard dépasse
 sans s’y arrêter les choses qui nous crèvent les yeux, et 
cherche bien au delà ; nous avons besoin d’être ramenés 
à une manière de voir plus simple et plus rapide. Ajoutez à cela que les femmes ont décidément un esprit
 plus posé, et ne voient dans les choses que ce qu’il y a 
réellement ; tandis que, sous le coup de nos passions 
excitées, nous grossissons les objets, et nous nous peignons des chimères.

Les mêmes aptitudes natives expliquent la pitié, l’humanité, la sympathie que les femmes témoignent aux 
malheureux, tandis qu’elles sont inférieures aux hommes