pour sa gloire, il s’est tourné parfois vers le grand public, il lui adresse quelques-uns de ses ouvrages[1] et sollicite les suffrages des honnêtes gens qui ne se piquent pas de métaphysique[2]. Et en effet, à côté du métaphysicien, on rencontre dans ses écrits un moraliste curieux, un humoriste original et un écrivain clair, accessible à tous, et presque populaire. Les Allemands l’admettent dans leurs bibliothèques choisies, et l’un d’eux le compare à notre Montaigne. Un Montaigne, j’y consens, pourvu qu’il soit bien entendu que c’est un Montaigne allemand. Est-il possible de concevoir un Montaigne constructeur de systèmes et abstracteur de quintessence, un Montaigne sardonique, irritable et sombre, étranger aux grâces riantes et aux joies légères ? Montaigne et Schopenhauer n’ont de commun que leur curiosité universelle des hommes et des choses. L’un et l’autre ils voient le monde à travers leur esprit, leurs goûts, leur humeur. Aussi, comme pour la plupart des moralistes, la vie de Schopenhauer est-elle un commentaire de ses œuvres, souvent un commentaire à rebours ; ses actes démentent ce que sa doctrine a d’excessif et d’outré, et l’auteur relève en lui ce qu’il y a de faible et de chancelant dans l’homme.
C’est un vendredi, jour néfaste, que, selon la remarque
- ↑ Parerga und Paralipomena, tel est le titre bizarre de ce livre, qu’il eût été plus simple d’intituler : « Fragments, esquisses et essais. »
- ↑ « La métaphysique n’est d’ordinaire que le roman de l’âme, ce roman n’est pas si amusant que celui des Mille et une nuits. » Voltaire. — Lettre à madame de Choiseul.