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le monde comme volonté et comme représentation

qu’il faut chercher le principe primitif et immédiat de ce mouvement. » (Annales des sciences naturelles, par Audouin et Brongniard, 1828, vol. XIII.) Cuvier dit également : « La circulation survit à la destruction de tout l’encéphale et de toute la moelle épinière. » (Mém. de l’Acad. des Sc., 1823, vol. VI ; Hist. de l’Acad., par Cuvier, p. CXXX.) « Cor primum vivens et ultimum moriens », dit Haller. Les battements du cœur ne cessent qu’à la mort.

Les vases eux-mêmes ont été créés par le sang, puisqu’il apparaît dans l’œuf avant eux ; ils n’en sont que les voies, dans lesquelles il est entré spontanément, qu’il a frayées ensuite et que peu à peu il a condensées et circonscrites ; c’est ce qu’a déjà enseigné Kaspar Wolff, dans sa Théorie de la Génération, §§ 30-35. Le mouvement du cœur, inséparable de celui du sang, bien qu’il soit provoqué par le besoin d’envoyer du sang dans les poumons, est cependant primitif lui aussi, en ce sens qu’il est indépendant du système nerveux et de la sensibilité : c’est ce que Burdach établit expressément. « Dans le cœur, dit-il, apparaît, avec le maximum d’irritabilité, un minimum de sensibilité » (l. c., § 769). Le cœur appartient tout autant au système musculaire qu’au système vasculaire, nouvelle preuve que ces deux systèmes sont étroitement unis, bien plus qu’ils ne forment qu’un seul tout.

Or, puisque la volonté est le substrat métaphysique de la force qui meut le muscle, c’est-à-dire de l’irritabilité, elle doit l’être aussi de cette autre force qui est la base du mouvement et des opérations du sang par lesquels sont formés les muscles. De plus, la circulation artérielle détermine la forme et la grandeur de tous les membres ; conséquemment la forme tout entière du corps est déterminée par la circulation du sang. D’une manière générale, c’est donc le sang qui non seulement nourrit toutes les parties de l’organisme, mais encore, liquide organique primitif, les a formées primitivement de sa propre substance ; l’alimentation des parties, qu’on s’accorde à considérer comme la fonction essentielle du sang, n’est que la continuation de la fonction primitive par laquelle il les a engendrées. On trouvera un développement précis et excellent de cette vérité dans l’ouvrage susmentionné de Rösch : Du rôle du sang, 1839. Rösch montre que le sang est l’élément primitivement animé, la source de l’existence aussi bien que de la conservation des parties ; que tous les organes en sont sortis par voie de séparation, et avec eux, pour en diriger les fonctions, le système nerveux, dont l’embranchement plastique ordonne et dirige la vie des parties internes, dont l’embranchement cérébral préside à la relation des organes avec le monde extérieur. « Le sang, dit-il, p. 25, était à la fois chair et nerf, et dans le même moment où le muscle s’en est isolé, le nerf, isolé de même, exista en regard de la