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objectivation de la volonté dans l’organisme animal

par exemple par la pression d’aliments absorbés sur l’estomac, par celle du chyme sur les intestins ou du sang qui afflue sur les parois du cœur ; cette contraction sera donc ou la digestion, ou le motus peristalticus, ou un battement du cœur, etc.

Faisons un pas de plus dans cette voie de régression, et nous trouverons que les muscles sont le produit de l’action condensatrice du sang, ou plutôt qu’ils ne sont en quelque sorte que du sang solidifié, figé, cristallisé ; en effet, ils en absorbent, sans les altérer sensiblement, la fibrine (cruor) et la matière colorante (Burdach, Physiologie, t. V, p. 686.). Quant à la force qui du sang a fait sortir le muscle, elle ne doit pas être considérée comme différente de celle qui le meut ultérieurement, à la suite d’excitations nerveuses, c’est-à-dire de l’irritabilité, qui, dans cette action, se révèle à la conscience comme identique à la volonté même. Le fait suivant prouve d’ailleurs combien est étroit le lien qui unit le sang et l’irritabilité : en effet, quand par suite d’une imperfection de la petite circulation, une partie du sang arrive au cœur sans être oxydée, l’irritabilité devient d’une extraordinaire faiblesse, comme c’est le cas chez les batraciens. Le mouvement du sang est également, tout comme celui du muscle, spontané et primitif ; il n’a même pas besoin, comme l’irritabilité, d’un influx nerveux et est indépendant du cœur même. C’est ce que démontre avec toute la précision désirable le retour du sang au cœur par les veines ; en effet, dans cette circulation, le sang n’est pas poussé en avant, comme dans la circulation artérielle, par une vis a tergo : toute autre explication mécanique reste également impuissante, entre autres celle qui allègue une force d’aspiration de la partie droite du cœur (V. Phys. de Burdach, t. IV, § 763, et Rosch, Du rôle du sang, p. Il et suiv.). Un spectacle étonnant, c’est celui des savants français qui ne connaissent que des forces mécaniques, et qui, divisés en deux camps, se combattent avec des raisons également insuffisantes. Bichat attribue le retour du sang à travers les veines à la pression des parois des vases capillaires, tandis que Magendie l’attribue à l’impulsion toujours persistante du cœur. (Précis de phys., par Magendie, vol. II, p. 389.)

Les fœtus qui ont (suivant la Physiol. de Müller) une circulation du sang, tout en n’ayant ni cerveau ni moelle épinière, prouvent que le mouvement du sang est également indépendant du système nerveux, du moins du système nerveux cérébral. Flourens dit dans le même sens : « Le mouvement du cœur, pris en soi, et abstraction faite de tout ce qui n’est pas essentiellement lui, comme sa durée, son énergie, ne dépend ni immédiatement, ni instantanément du système nerveux central, et conséquemment c’est dans tout autre point de ce système que dans les centres nerveux eux-mêmes,