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le monde comme volonté et comme représentation

nerveuses. Car, bien que la volonté soit immédiatement présente dans ces membres, puisqu’ils n’en sont que le phénomène, elle a besoin de cet appareil compliqué d’intermédiaires, toutes les fois qu’elle doit agir sur eux d’après des motifs et surtout quand elle est déterminée par la réflexion ; ces organes intermédiaires sont nécessaires pour rassembler les représentations et les élaborer en motifs, motifs sur lesquels se régleront les actes volontaires qui deviendront par là des résolutions : c’est ainsi que l’alimentation du sang par le chyle a besoin de l’estomac et des intestins, où ce chyle est préparé et d’où il arrive au sang par le conduit thoracique ; ce dernier joue ici le rôle que joue là la moelle épinière.

Voici la manière la plus simple et la plus générale de se représenter ce processus : la volonté est immédiatement présente dans toutes les fibres musculaires du corps, sous forme d’irritabilité, comme tendance permanente à l’action. Si cette tendance doit se réaliser, se manifester comme mouvement, il faut que ce mouvement, en tant que tel, ait une certaine direction mais cette direction doit être déterminée par quelque chose qui la commande, elle plutôt qu’une autre : ce quelque chose est le système nerveux. En effet, toutes les directions sont indifférentes à la simple irritabilité, telle qu’elle se trouve dans les fibres musculaires et qui est pure volonté ; elle ne se détermine dans aucun sens, mais se comporte comme un corps qui, étant également sollicité dans toutes les directions, demeure en état de repos. C’est seulement quand l’activité nerveuse s’ajoute comme motif (dans les mouvements réflexes, comme excitation) à l’irritabilité musculaire, que celle-ci, c’est-à-dire la tendance à l’action, reçoit une direction déterminée et provoque les mouvements.

C’est d’une manière analogue que la volonté entretient la vie organique, je veux dire à la suite d’excitations nerveuses qui ne partent pas du cerveau.

La volonté, en effet, apparaît comme irritabilité dans tous les muscles, et par conséquent a, par elle-même, le pouvoir de les contracter ; mais cette faculté de contraction est indéterminée ; pour qu’une contraction déterminée se produise, à un moment donné, il faut comme partout une cause, et cette cause ne peut être ici qu’une excitation. Celle-ci est fournie par le nerf aboutissant au muscle. Si ce nerf se relie au cerveau, la contraction est un acte volontaire conscient ; elle naît sous l’influence de motifs qui, à la suite d’une action extérieure, se sont produits dans le cerveau sous forme de représentations. Si le nerf ne se relie pas au cerveau, mais au grand sympathique, la contraction est involontaire et inconsciente ; c’est un acte servant à la vie organique, et l’excitation nerveuse qui le provoque est causée par une action interne,