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En ce sens on peut la regarder comme un instant qui durerait, comme un nunc stans. — Pour le dire en passant, nous voyons ici, sans doute possible, que la forme générale de la vie, ou du phénomène de la volonté accompagnée de conscience, est tout d’abord immédiatement le simple présent : le passé et l’avenir ne s’y surajoutent que chez l’homme, et sous la forme de purs concepts ; ils sont connus in abstracto, et tout au plus éclairés par des figures sorties de l’imagination. — Une fois donc que le vouloir-vivre, c’est-à-dire l’essence intime de la nature, dans ses aspirations sans relâche vers une objectivation parfaite et une parfaite jouissance, a parcouru la suite entière des animaux (et ce fait se produit souvent sur la même planète dans les intervalles répétés des séries d’animaux successives et toujours renaissantes), cette évolution accomplie, le vouloir-vivre arrive enfin, dans l’être pourvu de raison, dans l’homme, à la réflexion. Et ici la chose commence à devenir grave pour lui ; la question s’impose à lui de savoir l’origine et le but de tout, de savoir surtout si les peines et les misères de sa vie et de ses efforts sont compensées par le gain qu’il en retire. Le jeu en vaut-il bien la chandelle (sic) ? — C’est donc ici le moment où, à la lumière d’une connaissance précise, il se décide pour l’affirmation ou pour la négation du vouloir-vivre ; il ne peut cependant avoir conscience de la négation qu’en la recouvrant du voile de l’allégorie. — La conséquence en est que nous n’avons aucune raison d’admettre que la volonté parvienne nulle part à un plus haut degré d’objectivation, puisqu’elle a déjà atteint ici le point culminant de sa marche.