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le mauvais, pour se soustraire au pire ; elle donne le change à l’instinct sexuel, pour en déjouer les effets les plus pernicieux.

Mon intention dans cet exposé a été d’abord de résoudre le curieux problème signalé au début ; puis de confirmer aussi la théorie développée par moi dans le précédent chapitre, que dans tout amour sexuel l’instinct est le guide et le principe des illusions, puisque l’intérêt de l’espèce passe avant tous les autres aux yeux de la nature. J’ai voulu montrer que cette vérité s’appliquait même à l’odieuse perversion et à l’abâtardissement de l’instinct sexuel ici en question, puisqu’ici encore la raison dernière et le résultat sont les fins de l’espèce, malgré le caractère purement négatif qu’elles revêtent en ce cas, avec les procédés tout prophylactiques de la nature. Cet examen jette ainsi une nouvelle lumière sur l’ensemble de ma métaphysique de l’amour. Mais en général cette exposition révèle une vérité jusque-là cachée, et qui, malgré toute son étrangeté, ne laisse pas d’éclairer d’un jour nouveau l’essence intime, l’esprit et les menées de la nature. Aussi ne s’est-il pas agi ici de donner des avis moraux contre ce vice, mais de se faire une idée nette de ce qu’étaient les choses. D’ailleurs, la vraie raison, la raison dernière et profondément métaphysique qui condamne la pédérastie, c’est qu’en affirmant la volonté de vivre, elle détruit complètement la conséquence de cette affirmation, qui tient ouverte la voie du salut, elle supprime le renouvellement de la vie. — Enfin, puisque, malgré les soins jaloux des professeurs de philosophie à étouffer mes doctrines, elles prennent, à leur grand dépit, une extension chaque jour plus grande, j’ai voulu, en exposant ces idées paradoxales, leur octroyer un léger bienfait ; j’ai voulu leur offrir l’occasion de me calomnier en m’accusant de m’être fait le protecteur et l’avocat de la pédérastie.