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APPENDICE AU CHAPITRE PRÉCÉDENT

Οθτως αναιδως εξεκιωησας τοδε
Το ρημα και . που τουτο φευξεσθαι δοκεις ;
Πεφευγα . τ’αληθες γαρ ισχθρον τρεφω
______________________Soph.


A la page 352, j’ai fait en passant mention de la pédérastie, et l’ai signalée comme un instinct perverti. Cette observation m’avait paru suffisante, alors que je travaillais à la seconde édition. Un examen plus étendu de cet égarement de l’instinct m’y a fait découvrir depuis un curieux problème, et en même temps la solution qui y est attachée. Cette solution présuppose le chapitre précédent ; mais elle jette à son tour sur lui un jour nouveau, et est ainsi à la fois le complément et la preuve de la théorie fondamentale que j’y ai exposée.

En soi, la pédérastie apparaît comme une monstruosité non seulement contraire à la nature, mais encore répugnante au plus haut degré et propre à exciter l’horreur ; elle semble être un acte auquel seule une nature entièrement perverse, faussée et abâtardie aurait pu une fois descendre, et qui ne se serait répété au plus que dans des cas tout à fait isolés. Tournons-nous maintenant du côté de l’expérience:elle nous offre le spectacle opposé; ce vice au caractère odieux, nous le voyons souvent pratiqué et dans tout son essor en tout temps et chez tous les peuples du monde. Chacun sait qu’il était généralement répandu en Grèce et à Rome, qu’on en convenait, qu’on le pratiquait publiquement sans pudeur et sans honte. Tous les écrivains antiques nous en fournissent des témoignages plus que suffisants. Les poètes surtout en sont tous remplis, sans en excepter même le chaste Virgile (Eglogues, ii). Bien plus, les poètes des temps primitifs, Orphée (qui dut à ce motif d’être déchiré par les Ménades) et Thamyris en ont été accusés. Les philosophes aussi nous en parlent bien plus que de l’amour sexuel : Platon en particulier semble presque n’en pas connaître d’autre, et de même les stoïques, qui le jugent digne du sage (Stob., Ecl. eth., liv. II, c. vii). Platon loue même Socrate, comme d’un héroïsme sans exemple, d’avoir méprisé et repoussé les propositions d’Alcibiade. Dans les Mémorables de Xénophon, Socrate parle de la pédérastie comme