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nature tend à revenir à la chevelure sombre et aux yeux bruns, c’est-à-dire au type primitif, mais la couleur blanche de la peau est devenue une seconde nature, pas au point cependant que la couleur brune des Hindous nous semble repoussante. — Enfin chacun cherche dans chaque partie du corps prise à part le correctif de ses propres défauts et de ses imperfections, et cela avec d’autant plus d’attention que cette partie est plus importante ; ainsi des nez aquilins, des visages de perroquets, procureront aux individus à nez camus un plaisir indicible : de même pour toutes les autres parties. Des hommes au corps et aux membres très grêles et très allongés peuvent trouver beau un corps ramassé sur lui-même et trop court. — Les considérations de tempérament ont un effet analogue : chacun préférera le tempérament opposé au sien, mais dans la mesure seulement où le sien est nettement marqué. — L’homme qui, à quelque égard, est parfait, ne recherche pas et n’aime pas pour cela l’imperfection de l’autre individu sous ce même rapport, mais il passe sur cette imperfection plus facilement qu’un autre, parce qu’à lui seul il suffit à en préserver ses enfants. Par exemple un homme très blanc ne sera pas rebuté par un teint jaunâtre mais un homme au teint jaune trouvera divinement belle une face d’une blancheur éclatante. — Le cas, très rare, d’un homme qui s’éprend d’une femme vraiment laide se présente lorsque, en raison de l’harmonie absolue, mentionnée plus haut, de leurs degrés de sexualité, toutes les anomalies de la femme sont directement opposées aux siennes, c’est-à-dire en sont le correctif. En ce cas, la passion atteint d’ordinaire un haut degré. Le profond sérieux avec lequel l’homme examine chaque partie du corps de la femme, et réciproquement, le soin scrupuleux avec lequel nous inspectons une femme qui commence à nous plaire, l’obstination de notre choix, l’attention minutieuse avec laquelle le fiancé observe sa promise, ses précautions pour n’être trompé sur aucun point, la grande importance qu’il attache à la plus ou moins grande perfection des parties essentielles, tout cela est bien en rapport avec l’importance du but. C’est que ces parties-là se retrouveront semblables, et pour la vie, dans l’enfant qui doit naître. La femme, par exemple, est-elle un peu contrefaite : l’enfant pourra parfaitement naître bossu, et ainsi du reste. Les parents n’ont certainement pas conscience de tout cela ; bien plus, chacun pense bien ne faire ce choix si laborieux que dans l’intérêt de sa jouissance personnelle (qui, au fond, n’est nullement en question ici) mais il se borne à le conformer, sa propre constitution étant donnée, à l’intérêt de l’espèce, dont il a la secrète mission de conserver le type aussi pur que possible. L’individu agit ici, sans le savoir, pour le compte de l’espèce, qui lui est supérieure. De là l’importance qu’il