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propres faiblesses, ses défauts, les déviations du type qui existent en lui, pour qu’elles ne se perpétuent pas dans l’enfant qui doit naître et ne deviennent pas en lui des anomalies monstrueuses. Plus la force musculaire manque à un homme, plus il recherchera la vigueur dans les femmes, et réciproquement. Et comme d’ordinaire, en vertu de leur nature, les femmes sont inférieures en force musculaire, d’ordinaire aussi elles donneront la préférence aux hommes vigoureux. — La taille est aussi une considération importante : les petits hommes ont une prédilection très marquée pour les grandes femmes, et vice versa, et dans un homme petit cette préférence pour les femmes grandes sera d’autant plus passionnée qu’il sera issu lui-même d’un père de haute taille et que l’influence maternelle seule l’aura fait rester petit : c’est qu’alors il aura hérité de son père un système vasculaire et une énergie capables d’alimenter de sang un grand corps ; mais si, au contraire, son père et son grand-père étaient déjà petits, alors cette prédilection sera moins sensible. La répulsion qu’une grande femme éprouve pour les hommes de haute taille résulte au fond de cette intention de la nature d’éviter la création d’une race trop grande, si les forces que cette femme peut lui transmettre sont insuffisantes à lui assurer une longue vie. Une telle femme choisit-elle néanmoins un mari de haute taille, pour ne pas paraître ridicule aux yeux du monde, le plus souvent sa postérité payera cher cette sottise. — La complexion est aussi un élément dont on tient grand compte. Les individus blonds recherchent toujours les noirs ou les bruns mais l’inverse se produit rarement. C’est qu’une chevelure blonde et des yeux bleus constituent déjà une variété, presque une grosse anomalie, comme les souris blanches, ou, pour le moins, les chevaux blancs ; cette variété n’appartient en propre à aucune autre partie du monde, pas même au voisinage des pôles, mais à la seule Europe, et est évidemment d’origine scandinave. Qu’il me soit permis de le dire en passant, pour moi la couleur blanche n’est pas naturelle à l’homme, mais il devrait avoir la peau noire ou brune, à l’exemple de ses ancêtres, les Hindous ; par suite, il n’est pas sorti à l’origine un seul homme blanc du sein de la nature, et il n’y a pas de race blanche, quoi qu’on en ait dit, mais tout homme blanc est un homme décoloré. Refoulé vers le nord qui lui est étranger et où il vit comme les plantes exotiques, ayant comme elles besoin, pendant l’hiver, d’une serre chaude, l’homme, dans le cours des siècles, est devenu blanc. Les tziganes, race hindoue établie parmi nous depuis environ quatre siècles seulement, montrent le passage de la complexion des Hindous à la nôtre[1]. Dans l’amour des sexes, la

  1. Pour plus de détails, voir, sur ce sujet, Parerga, vol II, § 92, de la première édition (deuxième édition, pages 167-170).