Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 3, 1909.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vite encore. Aussi les fils bien doués seront-ils en général les aînés, ceux qui auront été procréés dans la force de l’âge des parents : ainsi le frère de Kant était de onze ans plus jeune que lui. Même de deux frères distingués l’aîné sera en général supérieur. Et ce n’est pas l’âge seul, mais chaque affaissement passager de la force vitale, ou tout autre désordre survenu dans la santé des parents, lors de la génération, qui peut gâter l’apport de l’un ou de l’autre, et entraver l’apparition par là même si rare d’un talent de premier ordre. — Soit dit en passant, c’est l’absence de toutes les différences signalées tout à l’heure qui, chez les jumeaux, est la cause de la quasi-identité de leur être.

Viendrait-il à se présenter quelques cas isolés où un fils heureusement doué n’aurait pas eu une mère d’esprit distingué, il faudrait en chercher l’explication dans le fait que la mère elle-même aurait eu un père flegmatique : alors, malgré un développement peu ordinaire, son cerveau n’aurait pas reçu l’excitation nécessaire de l’énergie correspondante de la circulation, — condition que j’ai expliquée plus haut, au chapitre xxxi. Son système nerveux et cérébral des plus parfaits n’en aurait pas moins passé à son fils, qui, par l’influence ultérieure d’un père vif et passionné, à la circulation énergique, aurait alors seulement acquis la seconde condition corporelle nécessaire à la production d’une grande force intellectuelle. Ce cas a peut-être été celui de Byron, car nous ne trouvons nulle part mention des talents intellectuels de sa mère. — La même explication vaut encore pour le cas où la mère d’un homme de génie, douée de qualités d’esprit, aurait eu elle-même une mère qui en aurait été dépourvue : c’est que le père de celle-ci aurait été un homme flegmatique.

Les discordances, les inégalités, les fluctuations de caractère de la plupart des hommes pourraient provenir peut-être de ce que l’individu, au lieu d’avoir une origine simple, reçoit la volonté du père et l’intellect de la mère. Plus étaient grandes l’hétérogénéité et la disconvenance des natures des parents l’une avec l’autre, plus grand aussi sera ce désaccord, ce dissentiment intime. Quelques-uns excellent par le cœur, d’autres au contraire par l’esprit ; il en est encore d’autres dont toute la supériorité réside dans une certaine harmonie et une certaine unité de tout leur être dues toutes deux à une telle appropriation en eux du cœur avec la tête que chacun de ces éléments est pour l’autre un appui et comme un repoussoir qui le met en relief : d’où l’on peut conjecturer qu’il existait entre leurs père et mère une harmonie et une convenance singulières.

Pour la partie physiologique de la théorie ici exposée, je veux citer seulement Burdach ; malgré cette opinion erronée que la même qualité psychique peut venir tantôt du père et tantôt de la mère,