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Unterhaltung), du 4 octobre 1841 ; cet article contient toute une longue liste de mères d’hommes célèbres distinguées par l’esprit, à laquelle je ne veux emprunter que deux exemples : « La mère de Bacon était une linguiste de premier ordre ; elle écrivit et traduisit plusieurs ouvrages et fit preuve dans chacun d’eux d’érudition, de pénétration et de goût. — La mère de Boerhave se faisait remarquer par ses connaissances en médecine. » — D’autre part, Haller nous a conservé un témoignage frappant de l’hérédité de la faiblesse intellectuelle des mères, dans ce fait qu’il nous cite : « E duabus patriciis sororibus, ob divitias maritos nactis, cum tamen fatuis essent proximæ, novimus in nobilissimas gentes nunc a seculo retro ejus morbi manasse semina, ut etiam in quarta generatione, quintave, omnium posterorum aliqui fatui supersint. » (Elementa physiol., lib. XXIX, § 8.) — Selon Esquirol, la folie aussi s’hérite plus souvent de la mère que du père ; si cependant on la tient du père, il faut rapporter le fait aux dispositions morales, dont l’influence l’a produite.

De notre principe il semble résulter que des fils de la même mère doivent avoir mêmes capacités intellectuelles, et que si l’un était très bien doué, l’autre devrait l’être aussi. Il en est parfois ainsi : les Carraches, Joseph et Michel Haydn, Bernard et André Romberg, Georges et Frédéric Cuvier en sont des exemples ; j’y joindrais encore les frères Schlegel, si le second, Frédéric, par l’odieux obscurantisme qu’il pratiqua dans le dernier quart de sa vie conjointement avec Adam Muller, ne s’était rendu indigne de l’honneur d’être nommé à côté de son excellent frère, Auguste Guillaume, homme irréprochable et d’esprit si supérieur. Car l’obscurantisme est un péché, non pas peut-être envers l’esprit saint, mais envers l’esprit humain, c’est-à-dire un péché dont, loin d’accorder jamais le pardon, on doit garder toujours et partout une rancune implacable à celui qui s’en est rendu coupable, pour lui en témoigner son mépris en toute occasion, tout le temps qu’il vit, et même jusqu’après la mort. — Mais c’est un cas tout aussi fréquent que la conséquence précédente ne se réalise pas : le frère de Kant, par exemple, a été un homme des plus ordinaires. Pour l’expliquer, je me reporte à ce que j’ai dit au chapitre XXXI sur les conditions physiologiques du génie. Le génie ne demande pas seulement un cerveau d’un développement extraordinaire et d’une organisation tout à fait conforme à l’objet à remplir, apport de la mère ; il exige encore un mouvement du cœur très énergique pour animer ce cerveau, c’est-à-dire subjectivement une volonté passionnée, un tempérament plein de vie : c’est l’héritage du père. Mais c’est là justement ce qui ne se rencontre au plus haut degré que dans les années les plus vigoureuses du père, et la mère vieillit plus