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le monde comme volonté et comme représentation

Au § 49 du premier volume, j’ai mis suffisamment en lumière la différence entre l’idée et le concept. Quant à leur ressemblance, en voici le principe. L’unité originelle et essentielle de l’idée est fractionnée et disséminée dans la pluralité des choses individuelles par le sujet connaissant, en raison des conditions sensibles et cérébrales de la perception. Dans son travail de réflexion la raison vient ensuite rétablir cette unité, toutefois seulement in abstracto, à titre de concept, d’universale, égal, il est vrai, à l’idée en compréhension, mais revêtu d’une tout autre forme, et rendu ainsi incapable de devenir objet d’intuition et par là de détermination constante. C’est en ce sens (mais dans aucun autre) qu’on pourrait user du langage scolastique et appeler les idées universalia ante rem, les concepts universalia post rem : entre les deux se placent les choses individuelles, dont l’animal aussi a connaissance. — N’en doutons pas, le réalisme des scolastiques est né de la confusion des idées platoniciennes, auxquelles on peut attribuer une existence objective et réelle, puisqu’elles sont en même temps les espèces, avec les simples concepts, auxquels les réalistes voulaient à leur tour conférer la même existence ; et ce fut là l’origine de l’opposition victorieuse du nominalisme.