Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 3, 1909.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
de la téléologie

Spinoza, jointe à son ignorance complète de la nature témoigne assez de son entière incompétence en cette matière et de la sottise de ceux qui, sur son autorité, croient devoir juger avec mépris des causes finales.

C’est à son grand avantage qu’Aristote, sur ce point, contraste avec les philosophes modernes, et c’est là le côté le plus brillant de son système. Il s’adresse sans prévention à la nature, ne connaît aucune physico-théologie, n’en a pas la moindre idée, et n’a jamais considéré le monde au point de vue d’une création ; son cœur est pur de tout préjugé de ce genre, et (De generat. anim., III, 11), s’il avance des hypothèses sur l’origine des animaux et des hommes, il ne tombe jamais dans les idées physico-théologiques. Il dit toujours η φυσις ποιει (latura facit) ; jamais il ne dit η φυσις πεποιηται (natura facta est). Mais, après examen fidèle et attentif de la nature, il trouve qu’elle procède partout avec finalité et dit : ματην ορωμεν ουδεν ποιουσαν την φυσιν (naturam nihil frustra facere cernimus.) (De respir., c. X) ; — et dans les livres De partibus animalium, qui sont une anatomie comparée : Ουδε περιεργον ουδεν, ουτε ματην η φυσις ποιει. — Η φυσις ενεκα του ποιει παντα. — Πανταχου δε λεγομεν τοδε τουδε ενεκα, οπου αν φαινηται τελος τι, προς ο η κινησις περαινει ωστε ειναι φανερον, οτι εστι τι τοιτουτον, ο δη και καλουμεν φυσιν. — Επει το σωμα οργανον’ενεκα τινος γαρ εκαστον των μοριων, ομοιως τε και το ολον. ( « Nihil supervacaneum, nihil frustra natura facit. — Natura rei alicujus gratia facit omnia. — Rem autem hanc esse illius gratia asserere ubique solemus, quoties finem intelligimus aliquem, in quem motus terminetur : quocirca ejusmodi aliquid esse constat, quod Naturam vocamus. — Est enim corpus instrumentum : nam membrum unumquodque rei alicujus gratia est, tum vero totum ipsum. » ) Il est explicite aux pages 645 et 663 de l’édition in-4 de Berlin, comme aussi De incessu animalium, c. ii : Η φυσιν ουδεν ποιει ματην, αλλ’αει, εκ των ενδεχομενων τη ουσια, περι εκαστον γενος ζωου, το αριστον. ( « Natura nihil frustra facit, sed semper ex iis, quæ cuique animalium generis essentiæ contigunt, id quod optimum est. » Dans la conclusion des livres De generatione animalium, il recommande expressément la téléologie, et blâme Démocrite de l’avoir niée, ce dont Bacon, dans sa prévention, l’avait justement loué. Mais c’est surtout dans les Physica, II, 8, p. 198, qu’Aristote parle ex professo des causes finales et les pose comme le principe vrai de l’étude de la nature. Il est de fait que l’examen de la nature organique doit mener tout esprit droit et bien réglé à la téléologie et nullement, à moins d’opinions préconçues, à la physico-téléologie, ou à l’anthropo-téléologie tant blâmée par Spinoza. — En ce qui touche Aristote en général, je veux encore ici attirer l’attention des lecteurs sur les imperfections et l’absolue non-valeur de ses doctrines relatives à la nature inorganique : il