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le monde comme volonté et comme représentation

un mystérieux instinct, et meurt dans l’accouplement. — La cause finale du duvet qui entoure les parties génitales, chez les deux sexes, et du Mons Veneris, chez la femme, est d’empêcher chez les individus très maigres, pendant le coït, le contact des os du pubis, qui pourrait exciter la répugnance ; quant à la cause efficiente, il faut la chercher dans ce fait que partout où une muqueuse passe dans l’épiderme, on voit des poils pousser dans le voisinage : une autre cause efficiente est encore que la tête et les parties génitales sont en quelque sorte des pôles opposés de l’individu, qu’ils présentent ainsi l’un avec l’autre des rapports et des analogies de diverses sortes, entre autres aussi cette particularité d’être velus. — La même cause efficiente vaut encore pour la barbe de l’homme pour la cause finale, je la suppose être dans la plus grande facilité des signes pathognomiques, c’est-à-dire de cette rapide altération des traits du visage qui trahit l’émotion intérieure de l’âme, à se montrer près de la bouche et dans les parties voisines ; pour dérober au regard scrutateur de l’adversaire ces indices souvent dangereux dans une négociation ou dans un accident soudain, la nature (qui n’ignore pas que homo homini lupus) a donné à l’homme la barbe. La femme au contraire pouvait s’en passer ; car en elle la dissimulation et la maîtrise de soi-même, « la contenance » sont innées. — Il doit se trouver, je l’ai dit, des exemples bien plus frappants encore pour démontrer la rencontre, dans leurs résultats, de l’activité entièrement aveugle de la nature avec son activité en apparence préméditée, ou, selon les expressions de Kant, l’accord du mécanisme et de la technique de la nature : tout cela nous prouve qu’ils ont tous deux leur origine commune au delà de cette diversité, dans la volonté en tant que chose en soi. On aurait fait un grand pas pour éclaircir ce point de vue, si on pouvait trouver par exemple la cause efficiente qui pousse le bois flottant vers les régions polaires dépourvues d’arbres ; ou encore celle qui a concentré la terre ferme de nos planètes surtout sur la moitié septentrionale du globe. Il faut voir la cause finale de ce dernier fait dans la circonstance que l’hiver, dans ces régions, coïncide avec l’époque du périhélie, c’est-à-dire de l’accélération du mouvement terrestre, qu’il est ainsi de huit jours plus court et partant plus doux. Cependant, dans la nature inorganique, la cause finale reste toujours équivoque, et, surtout lorsque la cause efficiente a été trouvée, elle nous laisse dans le doute sur la question de savoir si elle n’est pas une simple vue subjective, une apparence due à notre manière de considérer les choses. Mais en cela elle ressemble à mainte production de l’art humain, par exemple à de la mosaïque grossière, aux décors de théâtre, à cette image du Dieu Apennin, à Pratolino, près de Florence, formée de quartiers de roche brute.