Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 3, 1909.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
le monde comme volonté et comme représentation

l’ai déjà dit, la circulation du sang n’a pas de cause efficiente véritable : ici encore, aussi directement que dans le mouvement musculaire, où des motifs amenés par les nerfs la déterminent, c’est la volonté qui agit ; ici encore le mouvement est provoqué directement par la cause finale, c’est-à-dire par le besoin d’oxydation au sein du poumon, qui agit en quelque sorte sur le sang comme un motif, mais sans qu’il y ait intervention de la connaissance, puisque tout se passe à l’intérieur de l’organisme. La prétendue métamorphose des plantes, idée légèrement esquissée par Gaspard Wolf, et que, sous cette dénomination hyperbolique, Gœthe a pompeusement et lourdement exposée comme sa propre découverte, appartient à ces explications de l’organisme par la cause efficiente : et cependant tout cela revient à dire que la nature, en chacune de ses productions, ne recommence pas sur nouveaux frais, qu’elle ne crée pas du néant, mais, continuant pour ainsi dire à écrire du même style, rattache le nouveau à l’ancien, utilise, développe, élève à une puissance supérieure les formations précédentes, pour pousser plus loin son œuvre ; c’est ainsi qu’elle a procédé dans la gradation de la série animale, fidèle à la règle natura non facit saltus, et quoa commodissimum in omnibus suis operationibus sequitur. (Arist. De incessu animalium, c. ii et viii.) Expliquer une fleur en disant qu’elle présente en toutes ses pièces la forme de la feuille, me paraît analogue à l’idée d’expliquer la structure d’une maison en montrant que toutes les parties, étages, tourelles, mansardes, en sont composées de briques et constituées par la simple répétition de cette unité primitive. Je trouve aussi mauvaise et plus problématique encore l’explication du crâne par assemblage de vertèbres : ici pourtant il va de soi que la gaine du cerveau et celle de la moelle épinière, dont la première est la suite et le chapiteau final, ne peuvent être absolument hétérogènes et disparates, mais doivent bien plutôt se continuer en se ressemblant. Toute cette façon d’envisager les choses appartient à l’homologie de R. Owen mentionnée plus haut. — Au contraire, un Italien, dont le nom m’a échappé, a donné de la nature de la fleur l’explication suivante par la cause finale, qui me semble bien plus claire et plus satisfaisante. La fin de la corolle est : 1° la protection du pistil et des étamines ; 2° la préparation des sucs les plus raffinés qui se concentrent dans le pollen et dans le germe ; 3° l’extraction du fond des glandes inférieures de l’huile éthérée, qui, le plus souvent sous forme de vapeur odorante, doit environner les anthères et le pistil, pour les défendre dans une certaine mesure contre l’humidité de l’air. — N’oublions pas, au nombre des avantages des causes finales, que toute cause efficiente nous ramène toujours à un principe inexplicable, c’est-à-dire à une force naturelle, à une