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objectivation de la volonté dans la nature inanimée

au contraire, apparaît dans la série des êtres, les parties sexuelles se transportent dans un endroit caché du corps. Quant à l’homme, chez qui cela est un peu moins le cas, il s’empresse lui-même de les cacher : il en a honte.

Une première conclusion est donc que la force vitale est identique à la volonté ; mais il en est de même de toutes les autres forces naturelles, bien que le fait soit moins évident. Nous trouvons donc exprimée de tout temps, avec plus ou moins de précision, l’idée qu’un désir, c’est-à-dire une volonté, est la base de la vie végétale ; mais il est bien plus rare de voir réduire au même principe les forces de la nature organique, d’autant que cette dernière s’éloigne plus de notre être propre. Nous constatons en fait qu’il n’est pas dans la nature entière de limite plus nettement tranchée que celle de l’organique et de l’inorganique : c’est la seule peut-être qui n’admette pas de transition ; si bien que la maxime natura non facit saltus semble ici souffrir une exception. Maint cristal, par son aspect extérieur, peut nous rappeler une forme de plante : il n’en existe pas moins une différence essentielle et fondamentale entre le moindre lichen, le plus humble champignon et tout le règne inorganique. Dans le corps inorganique l’élément essentiel et durable, principe de son identité et de son intégrité, c’est la substance, la matière ; la partie accessoire et variable, c’est au contraire la forme. Dans le corps organisé c’est l’inverse qui se produit : car c’est dans le changement incessant de la matière, avec la persistance de la forme, que consiste sa vie, c’est-à-dire son existence en tant que corps organisé. Son essence et son identité résident ainsi dans la seule forme. Aussi ce qui assure le maintien du corps inorganique, c’est le repos et l’isolement des influences extérieures ; c’est là seul ce qui le fait subsister, et si cet état est parfait, la durée d’un tel corps peut être infinie. La condition de stabilité du corps organique est justement au contraire le mouvement continuel et l’incessante admission des influences extérieures : ces impulsions viennent-elles à disparaître, et le mouvement à se ralentir en lui, il est mort et cesse d’être organisé, bien que la trace de l’organisme demeure encore quelque temps. Aussi cette vie du règne inorganique, cette vie du globe terrestre lui-même, en vertu de laquelle il serait, comme le système planétaire lui-même, un organisme véritable, dont on aime tant à parler de nos jours, toutes ces prétendues vies sont-elles autant d’idées inadmissibles. Le qualificatif « vie » ne convient qu’à l’être organisé. Or tout organisme est de part en part organique, il l’est dans toutes ses parties et il n’en est jamais aucune, même dans ses moindres parcelles, qui soit un composé et un agrégat d’éléments inorganiques. Si donc la terre était un organisme, toutes les montagnes, tous les rochers, et tout l’intérieur