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à propos de la rhétorique

mêle tout ce qu’il est possible d’alléguer en faveur de leur cause, le vrai à côté de ce qui ne l’est qu’à demi ou de ce qui est simplement spécieux. Mais le public a bien vite fait de distinguer ou du moins de sentir ce qui est faux, et dès lors il suspecte même les raisons justes et bonnes : ne donnons donc que le vrai et le juste, produisons-le sans mélange, et gardons-nous de soutenir une vérité au moyen de raisons insuffisantes qui, par cela même qu’on les donne comme valables, en deviennent sophistiques. L’adversaire les réfutera et se donnera ainsi l’apparence d’avoir renversé également la vérité qui s’y appuie, c’est-à-dire qu’il donnera à des arguments ad hominem la valeur d’arguments ad rem. Les Chinois, eux, vont peut-être trop loin dans le sens opposé, quand ils énoncent cette maxime : « Celui qui est éloquent et qui a la langue aiguisée, ne devra jamais énoncer que la moitié d’une proposition ; et celui qui a le droit de son côté peut résolument sacrifier trois dixièmes de son affirmation ».