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doctrine de la représentation abstraite

ces trois figures, c’est que les jugements y sont comparés tantôt au point de vue de leurs deux sujets, tantôt au point de vue de leurs deux attributs, tantôt enfin au point de vue du sujet de l’un et de l’attribut de l’autre. Comme un concept n’a la faculté d’être sujet ou attribut, qu’autant qu’il fait partie d’un jugement, mon opinion en est confirmée, à savoir que dans le syllogisme ce que l’on compare avant tout ce sont des jugements, et que les concepts ne sont comparés qu’à titre de parties de jugements. Or, lorsqu’on compare deux jugements, ce qui importe essentiellement c’est ce par rapport à quoi on les compare, et non ce par quoi on les compare : en d’autres termes, l’important c’est le majeur et le mineur, le moyen n’est que secondaire. Le point de vue est donc faux, où se sont cantonnés Lambert, et même déjà Aristote et presque tous les logiciens modernes, quand dans l’analyse des raisonnements déductifs ils partent du moyen terme, quand ils le considèrent comme l’élément principal et font de la place qu’il occupe le caractère essentiel de chaque figure du syllogisme. Son rôle n’est en réalité que secondaire, la place qu’il occupe est un effet de la valeur logique des concepts à comparer. Ces derniers peuvent être assimilés à deux substances, qu’on aurait à éprouver chimiquement ; le moyen terme serait le réactif qui servirait à les éprouver. Il est donc naturel qu’il prenne chaque fois la place laissée vacante par les deux concepts à comparer et qu’il ne se présente plus dans la conclusion. Il est choisi selon que son rapport aux deux concepts est connu et qu’il est apte à occuper la place qu’il s’agit de remplir : aussi, dans beaucoup de cas, peut-on l’échanger à volonté contre un autre terme, sans que le syllogisme en soit affecté. Ainsi, dans le raisonnement suivant :

Tous les hommes sont mortels ;
Caïus est un homme :


je puis échanger le moyen terme « homme » contre celui d’ « être animé ». Dans le raisonnement,

Tous les diamants sont des pierres ;
Tous les diamants sont combustibles ;


je puis échanger le moyen terme « diamant » contre le mot « anthracite ». Comme caractère extérieur pouvant faire reconnaître à première vue la figure du syllogisme, le moyen terme est sans doute d’un usage commode. Mais lorsqu’il s’agit d’expliquer une chose, il faut en chercher le caractère fondamental dans ce qui lui est essentiel : or, ce qui est essentiel au syllogisme, c’est de savoir si l’on