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à propos de la théorie du syllogisme

où s’affirme dans la conclusion la séparabilité des deux attributs, où par conséquent une des prémisses sera négative :

Aucun bouddhiste ne croit en Dieu ;
Quelques bouddhistes sont sages :
Donc quelques sages ne croient pas en Dieu.

Dans les exemples cités plus haut, la réflexion se posait comme problème la compatibilité de deux qualités ; ici c’est leur séparabilité qu’elle envisage, et elle tranche la question en les comparant à un seul et même sujet, et en montrant que ce sujet possède l’une des deux qualités sans admettre l’autre : en procédant de la sorte on arrive immédiatement au but, tandis que par la première figure l’on ne pourrait y arriver que médiatement. En effet, si nous voulions ramener notre raisonnement à la première figure, il nous faudrait renverser la mineure, et dire : « Quelques sages sont bouddhistes » ce qui donnerait une expression gauche de notre pensée, laquelle est la suivante ; « Quelques bouddhistes sont malgré tout des gens sages ».

Le principe directeur de cette figure me semble être, pour les modes affirmatifs ejusdem rei notæ, modo sit altera universalis, sibi invicem sunt notæ particulares, et pour les modes négatifs : nota rei competens, notæ eidem repugnanti, particulariter repugnat, modo sit altera universalis. En français : Si deux attributs sont affirmés d’un sujet, et l’un des deux au moins d’une manière universelle, ils sont affirmés particulièrement l’un de l’autre ; ils sont au contraire particulièrement niés l’un de l’autre, si l’un des deux répugne au sujet dont l’autre est affirmé ; étant toutefois entendu que l’affirmation et la négation seront universelles.

Certains prétendent poser une quatrième figure, dans laquelle le sujet de la majeure doit être comparé à l’attribut de la mineure : mais dans la conclusion ces deux termes changent de valeur et de place, de telle sorte que le sujet de la majeure devient ici attribut, et que l’attribut de la mineure devient sujet. D’où il appert que cette figure n’est que le renversement arbitraire de la première, et qu’elle n’exprime pas un processus réel de la pensée, qui soit naturel à la raison.

Les trois premières figures au contraire sont l’empreinte même de trois opérations réelles et distinctes de la pensée. Elles ont ceci de commun, qu’elles consistent dans la comparaison de deux jugements ; mais cette comparaison ne devient féconde que si ces jugements ont un concept commun. Si nous nous représentons les prémisses sous la forme de deux bâtonnets, le concept sera le crochet qui les unit : on pourrait fort bien se servir de ces bâtonnets, dans une exposition orale de la théorie déductive. Ce qui distingue entre elles